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La vieillesse d’un chien et le long chemin de l’acceptation pour l’humain


J’écris cet article en pensant à tous les gardien.ne.s de chien.ne.s âgé.e.s, à celles & ceux qui luttent avec le chagrin, le doute et l’acceptation de la fin de vie de leur animal & à celles & ceux qui font face au deuil.

Chaque chien est différent et peut être que ton animal ne vieillit pas de la même manière que le mien.
Sans doute, également, que ton chemin n’est pas le même face à la fin de vie et c’est normal.
Cependant si certains conseils peuvent t’aider, te rassurer, t’aiguiller dans la relation avec ton chien je suis ravie de les partager.

J’ai adopté Tao à l’âge de 4 ans 1/2, en refuge, un croisé berger allemand, ancien chien de ferme en mars 2015.

Tao a eu 13 ans en juin 2023. Voilà donc bientôt 9 ans que nous partageons un (sacré) bout de chemin ensemble.

Tao a toujours eu une santé plutôt précaire : polyarthrite immunitaire, problèmes de peau, problèmes digestifs et plusieurs vétérinaires que j’ai croisé durant ces années m’ont affirmé que ce chien ne vivrait « pas vieux »… et pourtant !

Lorsque Tao est sortie de refuge, il se comportait comme un chiot… un chiot de 5 ans qui voulait tout découvrir. Et moi comme une enfant de 26 ans qui rêvait de parcourir la terre entière avec son chien.
Après son adoption nous avons relevé quelques challenges liés à des particularités comportementales mais ce n’est pas le sujet d’aujourd’hui :).
Ça nous a pris du temps, j’ai fais des erreurs, j’ai essayé de mieux faire, il a été patient et nous y sommes arrivés.

Les années sont passées, les vétérinaires nous ont aidé à régler certains problèmes de santé, d’autres sont devenus plus récurrents et un jour mon chien est devenu un senior.

C’est arrivé assez insidieusement et je n’en ai pas pris conscience tout de suite.
Le chemin a été long.
Oui, il m’a fallu des années pour accepter que mon chien soit vieux.
Un bon vieux mécanisme de défense pour ne pas penser au fait qu’un jour mon chien va mourir. Assez classique je crois ?
Parce que Tao, ce n’est « pas qu’un chien », c’est mon meilleur ami depuis 9 étés, 8 automnes, 8 hivers & 9 printemps. Et ça ce n’est pas rien.

À l’époque de son adoption, j’avais une l̶é̶g̶è̶r̶e̶ obsession sur la durée des balades. Tao était un chien énergique, il avait tout à découvrir et c’était dans mes priorités de combler ses besoins de dépenses physiques, de lui faire connaître la sensation de liberté. Lui qui a passé les 4 premières années de sa vie à l’attache.
Je vivais dans un appartement de 30m2, au bord de la mer.
Et je pense qu’à l’époque on était à 4h de balade par jour.

  • Première sortie à 6h00 : 20min
  • À ma pause de midi : 1h30
  • À 15h30 quand je rentrais : 2h
  • Et le soir avant d’aller me coucher : 30 minutes.

Le rythme était facile à tenir pour moi car j’avais des horaires fixe et j’étais logé sur mon lieu de travail. J’avais un travail de bureau qui me demandait peu d’énergie physique… et surtout on ne découvre pas la terre entière avec son chien en 10 minutes !

Nous avons conservé ce rythme pendant 2 ans.
Je ne dis pas que c’est ce qu’il faut faire avec tout les chiens. Peut être même que c’était trop ? Peut être que ce n’était pas assez ?
Chaque chien est différent et chaque humain également.
Mais à l’époque c’était ce qui me semblait le plus adapté. Tao était enjoué, curieux en extérieur mais calme & patient en intérieur.

Puis j’ai changé de travail, je suis devenue aide-soignante et notre rythme de vie a évolué.
Nous sommes passés progressivement à 2 fois 1h/1h30 de balade sans compter les pipis dans le jardin -qui ne sont pas des balades évidemment- et Tao s’est merveilleusement adapté à ce nouveau rythme de vie.
Mon conjoint sortait Tao le matin, pendant 1h avant d’aller travailler et moi je sortais Tao l’après-midi pendant 1h/1h30 à ma pause.
Nous avons passé plusieurs années sur ce rythme là.
Tao avait par intermittence des problèmes de santé qui faisaient de temps en temps éclater cette bulle de tranquillité.

Un jour je me suis rendue compte que les promenades que nous faisions en 1h il nous fallait désormais 1h30 voir 1h45 pour les faire. Mon chien n’était plus aussi énergique qu’avant. Il n’avait plus autant envie de marcher pendant des heures, il était plus fatigable.
Il faisait toujours autant de prédation mais il revenait épuisé de ses mini courses poursuites.

Tao avait 8 ans. Mais les gens dans la rue continuaient à me demander si mon chien était jeune.
Alors je me suis rassurée, et me suis dit que tant qu’il n’avait pas l’air vieux c’était qu’il ne devait pas l’être tant que ça. ( le cerveau est formidable hein ?!)

C’est à cette même période que j’ai décidé de passer à une alimentation « senior ». Étant donné qu’il se dépensait moins physiquement je ne voulais pas qu’il prenne trop de poids et qu’il abîme ses articulations.

Et puis Tao a eu de nouveau des problèmes de santé, qui l’ont mis dans l’incapacité de se déplacer.
Et là ça a été le choc.
Mon chien avait l’air d’avoir 100 ans, plus 4, plus 8, plus 7 mais bien 100 ans.
Je lui donnais à boire à la seringue, je dormais avec lui au rez-de-chaussée car il ne pouvait plus monter les escaliers et nous faisions face à de l’incontinence urinaire induite par des traitements médicamenteux.

Grace aux vétérinaires & à sa détermination, Tao s’est rétabli, une fois de plus, mais la sonnette d’alarme était tirée.
Tout comme mon paquet de croquettes, les vétérinaires me disaient que mon chien était un senior.

Puis il y a 3 ans, nous avons déménagé. Tao avait 10 ans.
Et là, j’ai vu, une nouvelle fois que mon chien avait pris un coup de vieux.
Il était stressé de me voir faire les cartons, il était stressé d’aller dans cette nouvelle maison vide.
Le changement était devenu plus difficile à tolérer en vieillissant.
Lui qui a toujours eu une capacité d’adaptation du tonnerre.
Lui qui m’a accompagné absolument partout ces dernières années, avec cette tranquillité et décontraction légendaire.
Mais malgré tout, avec patience & douceur il s’est adapté à ce nouvel environnement.

Puis Heol est arrivé, et je peux dire sans hésiter que la tornade golden a tout pulvérisé sur son passage : notre routine bien rodée, la tranquillité de Tao & nos petites certitudes sur la cohabitation avec un chien ont volé en éclat.
Ce petit golden plein de vie, de joie & d’énergie dénotait un peu à côté de Tao et de son flegme de vieux chien.
En balade, la différence d’énergie m’a sauté au visage.
Tao avait commencé le début de la fin de sa vie et il fallut que je vois un chiot de 3 mois plein de boue courir dans tous les sens à ses côtés pour en prendre la pleine mesure.
Je côtoie pourtant, d’autres chiens plus ou moins jeunes, plus ou moins dynamiques, mais là c’était différent.
C’était sous mon nez, en permanence.
Il a accueilli Heol, il l’a laissé dormir avec lui, il a partagé ses ressources, il lui a dit stop parfois car il était trop fatigué pour jouer. Il a fait preuve de tolérance, de douceur parfois d’agacement.
J’ai installé une barrière bébé pour préserver la tranquillité de Tao la nuit et parfois en journée. J’ai commencé les balades séparées pour respecter le rythme de mon chiot (qui est rapidement devenu un chien adolescent) et de mon chien senior.

Puis, Tao est retombé malade. Le vétérinaire lui a diagnostiqué une maladie cardiaque.
Rien à faire pour le moment, à part une échographie cardiaque tout les 6 mois, une surveillance des symptômes liés à cette maladie et nous passerons à la médication si nécessaire.
La vie a repris son cours, comme à chaque fois avec Tao.

Les vétérinaires nous avaient dit qu’il ne vivrait pas vieux et pourtant nous étions déjà à l’aube de ses 12 ans.
Il a tellement déjoué de pronostic, il s’est tellement battu pour s’en sortir à chaque fois, qu’à force j’avais finir par croire que mon chien était invincible. Inconsciemment.
Inconsciemment mais sûrement je me suis dis pendant longtemps que Tao allait s’en sortir car ça n’était pas possible autrement. Et pourtant… je sais que le temps commence à jouer contre nous. Que je le veuille ou non. Cette petite pensée inconsciente se réveille encore parfois aujourd’hui.

Depuis 1 an, Tao est parfois désorienté ça se traduit par des moments où il se fige et ne sait pas vraiment quoi faire. Ce sont des comportements qui se produisent occasionnellement dans le jardin et à l’intérieur de la maison. Il est comme dans ses pensées, présent par son corps mais absent par l’esprit. C’est déroutant à voir chez votre meilleur ami…
Il a aussi parfois des « temps de latence » lorsque je le sollicite.
Ses sphincters marchent aussi moins bien, si il se réveille tard le matin, il peut avoir des fuites urinaires. Le contrôle de la défécation est aussi parfois hasardeux lorsqu’il est en extérieur en promenade.
Il peine à monter les escaliers, il perd parfois l’équilibre si il se secoue trop fort.
Il ne m’entends plus arriver lorsque je me gare devant la maison. Il ne m’entend plus quand je l’appelle depuis l’autre bout de la maison.
Il ne voit plus clairement les friandises que je jette au sol.
Tao a toujours été un chien très proche de moi mais en vieillissant il cherche encore plus ma présence. Notamment la nuit.
En balade, il ne s’éloigne plus de moi. Il prédate toujours mais à une échelle beaucoup plus faible.
Il est moins tolérants aux stimulus forts : je ne l’emmène plus avec moi dans des environnements urbains.
Il n’a jamais été très intéressé par l’humain sans être méfiant ni craintif, en dehors des personnes qu’il connait et fréquente. Mais en vieillissant Tao ne montre plus ou vraiment très très peu d’intérêt pour l’humain inconnu.
Il montre des signes de fatigue plus rapide en présence d’enfants. Enfants dont il n’a jamais vraiment cherché la présence non plus.
Les nouveaux apprentissages sont longs, beaucoup plus longs avec la vieillesse de Tao. Alors j’ai renoncé à certaines choses. Je le met en réussite, toujours.

Par la force des choses, plus ou moins consciemment nous avons mis en place des stratégies, des stratégies d’adaptation à la vieillerie de notre chien.

  • Je le sors plus souvent faire ses besoins.
  • Je l’aide à monter en voiture et j’envisage maintenant d’acheter une rampe.
  • J’utilise des gestes pour le rappeler plutôt que ma voix.
  • Je ne jette plus de bonbons au sol pour le récompenser mais je lui présente d’abord.
  • Je pars dans les sous bois avec lui lorsqu’il prédate pour ne pas qu’il se perde.
  • Je le guide et le rassure si il semble perdu.
  • Je lui offre de bonnes conditions de sommeil : plusieurs lieux de couchage très confortables et au calme (= le lit et le canapé pour Tao).
  • Je lui laisse souvent le choix de l’itinéraire de promenade.
  • Je continue à le stimuler mentalement via les soins coopératifs et d’autres petits apprentissages du quotidien tout en veillant à ne jamais le mettre en difficulté.
  • Il porte un manteau l’hiver pour les balades pluvieuses & froides pour protéger ses articulations.
  • Je ne laisse plus jamais des inconnus le caresser dans la rue et encore moins des enfants.
  • Je le protège d’autant plus des autres chiens trop brutaux, harcelants en promenade.

Et par dessus toutes ces petites adaptations du quotidien, Tao est vu en consultation ostéopathe 2 fois par an en complément d’un suivi vétérinaire renforcé ainsi qu’une alimentation adaptée.

Tao a eu 13 ans en juin et cette fois je sais que mon chien est vieux. Pas de doute. Malgré la description des signes cliniques de sa vieillesse ci-dessus, Tao ne montre pas de signes d’anxiété particulier – pour le moment- , il se laisse juste porter tranquillement mais surement vers la fin de sa vie, entouré de sa famille humaine et non humaine.

Il continue à montrer beaucoup d’intérêt pour les promenades, les jouets, la mastication et les bonbons. Il montre par contre désormais un peu moins d’intérêt pour Alice, notre chat, sa fidèle compagne de jeu pendant des années.
Quand à Heol, l’intérêt a diminué aussi avec le temps mais même Tao se laisse parfois tenter bien volontiers par les sollicitations d’un golden dont le rêve est de se faire aimer de tous…!
Et vous savez quoi ? Contrairement à moi, Heol & Alice se sont adaptés en un éclair au changement de comportement de Tao.
Nous sommes bien loin des 4h de promenade que nous faisions sans aucune difficulté, des zoomies dans le jardin, des courses le long des vagues en bord de mer.
Aujourd’hui le rythme a bien changé, c’est vrai.

Un jour sur 2 je le sors avec Heol, pour une balade de 40/45mn.
Les autres jours je le sors seul, on ne compte plus en distance ni en temps mais juste en intérêt.
Tao préfère muloter dans un champ pendant 30 minutes plutôt que marcher inlassablement alors c’est ce qu’on fait.
Nous profitons de chaque trou creusé, de chaque montée et descente en voiture, de chaque pic d’énergie, de chaque sieste, de chaque promenade au rythme doux & lent.

Les gens ne me disent plus que mon chien a l’air jeune, le paquet de croquettes a toujours cette inscription senior, son carnet de santé s’est effrité avec les années, et je réfléchis maintenant (ENFIN!!) en terme de qualité plutôt qu’en quantité concernant les promenades de mes 2 chiens !

Voir vieillir son chien, c’est nul doute la chose la plus triste que je vis depuis quelques années.
Il faut accepter, faire le deuil de ce qu’on a vécu et qui ne reviendra pas, se préparer aussi à sa mort et à la façon dont on veut que les choses se passent le jour de son départ….

Et ça c’est encore un autre sujet… sur lequel je vais m’accorder une petite parenthèse :

Je sais et comprend que cela ne fait pas partie des sujets auxquels nous avons envie de penser mais si vous avez un chien âgé (ou pas d’ailleurs), vous avez le droit d’y penser et vous avez le droit de vous poser des questions en lien avec la logistique d’une euthanasie ou de l’inhumation de votre chien.
Vous avez le droit de poser des questions à votre vétérinaire en amont.
Prenez le temps qu’il vous faut pour trouver le ou la vétérinaire qui correspond à vos valeurs et qui fait preuve de respect envers vous & votre animal.
Ici, ça nous aura pris 8 ans pour trouver la personne qui nous correspond et une partie de moi est sereine. Je sais que le jour venue mon chien & moi même serons correctement accompagnés.
Et surtout, votre animal a le droit d’être accompagné dignement dans le cadre de sa fin de vie mais vous aussi vous êtes légitime à vous faire accompagner par un professionnel de santé dans ce chemin.

Je referme cette parenthèse pour laisser place à la conclusion.

La vieillerie de mon chien n’est pas triste, elle n’est pas déprimante, elle est le reflet des belles années que nous venons de passer.

Chez mon vieux chien avant de voir sa vieillerie, sa lenteur, son incontinence partielle, ses boiteries, ses yeux voilés, je vois surtout la vie & la joie qu’il y a toujours dans son regard. Malgré les années qui passent.

Je souhaite sincèrement à chaque gardien.ne de chien.ne de voir ça un jour dans le regard de son animal.



2 commentaires

  • Lucie Besnard

    Bon…. j’ai une boule dans la gorge à te lire et je suis évidemment très émue… Tao… Bugly…
    Je pense que c’est une étape , parfois une épreuve , souvent tellement d’émotions… regarder ma chienne vieillir c’est me rendre compte de tout ce chemin parcouru à ses côtés..
    Merci pour ses mots si justes, si touchants, qui résonnent fort en moi.

    • Emilie

      Merci Lucie d’avoir pris le temps de lire et de laisser ce petit mot qui me touche. <3
      Bugly fait partie des chanceuses qui viennent de passer 16 belles années dans un foyer où elle est respectée et ça ca vaut toutes les épreuves du monde face à leur vieillesse.
      Longue vie à Tao & Bugly <3

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